JAZY ― Enlève ce truc d’en dessous de mon nez, où je te jure sur mon poisson mort que tu vas le regretter.
EVANA ― T’énerves pas, Berlioz, j’vais la manger, cette glace.
Un regard désespéré sur la coupe de mon amie me fit réaliser à quel point j’avais envie d’une glace, moi aussi. Nous étions assise à la terrasse d’un café, sur une jolie place, le soleil brillait, et tout ce que j’avais offert à mon estomac depuis la veille, c’était un pauvre coca light.
JAZY ― Rappelle moi encore une fois pourquoi je fais ça ?
EVANA ― Parce que, comme une bonne petite fille pure que tu es, tu t’es récemment détruit la santé en mangeant n’importe quoi et en le recrachant après.
Soupir. Elle avait raison, je récoltais les fruits de ce que j’avais semé. Pendant plus d’un an, j’avais effectué chaque jour le même rituel malsain, jusqu’à apercevoir mes côtes creusées sous ma peau. Tout ça était né d’une bien stupide histoire à vrai dire – une histoire de mode, sans doute. Bref, toujours était-il que mon pauvre estomac ne supporterait pas une glace, et que si par malheur une seule goute de ce truc venait se morfondre dans ma bouche, j’aurais aussi rapidement fait de la renvoyer d’où elle venait. Une grimace dégoutée vint se loger sur mon visage, et sans doute mon amie comprit-elle à quelles sombres pensées j’étais en train de me soustraire.
EVANA ― Tu sais sur quoi tu ferais mieux de fantasmer ? Adriel me semble un bon compromis.
Elle désigna quelqu’un derrière moi de son menton en me faisant un sourire entendu. Il venait du même endroit que moi, mais je ne l’avais jamais vu avant Madrid. Si Adriel était un garçon très intéressant, en revanche, toute riche et aristocrate que moi j’étais ne devait pas l’intéresser le moins du monde.
JAZY ― Je connais ces types, Evan’. Ils couchent, et ensuite ils te laissent dans ta merde en supposant que leur argent t’aidera à te sentir mieux.
EVANA ― Tous les mecs ne mettent pas leurs copines enceintes. Jaz, redescend sur terre, un peu, tu veux ?
Bon d’accord. Pas tout à fait une histoire de mode. Le fait est que je suis née en Angleterre, dans les quartiers riches, où les jeunes sortent et font la fête, et s’envoient en l’air. J’avais vraiment, vraiment tout pour moi, la popularité, la richesse, etc. Même le copain parfait. Le copain parfait avec un taux un peu trop élevé de fertilité.
Donc j’étais tombée enceinte, et j’avais avortée, et j’avais commencé ce truc stupide avec de la bouffe que je ne voulais plus manger. Bref.
C’était pour ça, à en croire la lettre que j’avais reçue, que j’étais là. Pour trouver le bonheur dans autre chose que dans l’argent – il fallait croire que ça ne m’avait pas porté chance.
JAZY ― Une fois j’ai fait cette erreur, je ne la referai pas deux fois.
EVANA ― C’est toi qui y perds.
Ou qui y gagne. C’était un soir d’avril, je n’avais que 17 ans à l’époque. Ma meilleure amie, July, venait de partir de chez moi, après une journée de boulot intensif pendant les vacances. James – c’était comme ça qu’il s’appelait, mon petit ami de l’époque, m’avait appelée. Il était passé me prendre, et nous étions sortis.
C’était un pacte de toujours, avec July. On avait décidé qu’on resterait vierge jusqu’à que l’on soit toutes les deux casées et prêtes à le faire. Ca ne m’avait posé aucun problème jusqu’ici.
Mais ce soir là, quand on est arrivé, James et moi, dans sa chambre… la tentation n’a pas aidé.
JAMES ― Ca t’embête si je m’allonge ?
JAZY ― Non ?
Mon cœur battait quinze fois plus vite que la normale. Et il était allongé, à côté de moi, son regard fixe et ses cheveux sombres. Je n’avais pas pu m’empêcher de me pencher. Les mains étaient rapidement passées sous les t-shirt, qui eux avaient fini par tomber, et finalement…
EVANA ― Si j’te dérange, tu l’dis ?
J’ai secoué la tête pour me sortir de ma rêverie. Je n’avais jamais vu personne d’autre depuis, j’avais trop peur. Les garçons étaient symboles de tentation, et ça m’avait déjà mené tant de fois en galère que je préférai m’abstenir cette fois ci.
EVANA ― Ce soir, on va à cette soirée, et que tu le veuilles ou non, on va trouver des amis. Sans e.
ADRIEL ― Salut.
J’ai sursauté comme si un fantôme venait d’apparaitre devant moi. Evana ne s’était pas trompée, il était beau, et c’était sûr qu’il me plaisait.
Il m’a tendu un verre. Je savais que, dans le déroulement d’une soirée, l’alcool était l’élément déclencheur de pas mal de problèmes, mais je n’ai pas pu m’empêcher.
Il m’a fait quelques compliments, a pris ma main en continuant à sourire.
Résiste ma vieille, résiste ― une minute, ça fait quoi, déjà, de passer la nuit avec un garçon ?
Non non non.
Si.